Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
L'espace de Xadkor

UNE LECTURE A N’EN PAS FINIR !

27 Août 2019 , Rédigé par Ibou Dramé Sylla Publié dans #ANALYSES

En hommage à mon homonyme depuis Pikine

De toutes les activités intellectuelles, la lecture est celle que j’aime le plus. Pas par paresse, mais elle m’ouvre bien des perspectives et dans la vie et dans mes méditations. Un livre est une université comme l’a indiqué Henri Lopes. Le livre de Marie de Hennezel intitulé La mort intime avec une magistrale préface du Président François Mitterrand est un bijou. À part L’aventure ambiguë que m’avait recommandé mon oncle Balla Ndao de regrettée mémoire en 2008, La mort intime est le livre qui a eu raison de moi. Bien des fois, j’ai arrêté la lecture pour ne pas avoir à le terminer. Je comprends maintenant pourquoi certains souffrent atrocement en perdant un objet, un animal…

Ce livre parle d’une vie et des vies. L’auteure, en tant que psychologue a consacré sa vie à ceux et celles qui sont interné(e)s dans les centres de soins palliatifs. Etre en constant rapport avec ceux et celles qui vont mourir est une expérience particulière.

J’ai décidé de parler d’un élément qui a attiré mon attention durant ma lecture et devant me placer dans un dilemme quant au livre qui doit le suivre dans ma lecture : l’écoute.

Là je suis partagé entre Les âmes blessées de Boris Cyrulnik et La force du silence du Cardinal Robert Sarah. Cela est une autre affaire. Je dois dire que chaque lecture me rend triste vers la fin du livre, parce que je dois passer à autre chose. Mais ce livre de Marie de Hennezel a tout pour me marquer à vie.

Pour le thème, l’écoute en tant qu’activité biologique chez lui revêt un caractère culturel eut égard à sa portée dans les rapports humains. Dans Nations nègres et culture, Cheikh Anta Diop a indiqué le sens de l’écoute en parlant d’un groupe ethnique du Sénégal.

La dimension essentielle de l’écoute est dans la réussite de la communication qui n’est pas forcément verbale. La disponibilité du corps est une forme d’écoute. Les malades qui sont en phase terminale ont besoin d’une main affective, d’une oreille attentive,…

Bien des patients ont voulu précipiter leur mort, mais notre auteure est parvenue, à travers sa disponibilité à écouter, à différer l’échéance fatale. Avec une colère non dissimulée, certains patients envisageaient de quitter cette terre avec dédain. Chose bien pénible qui ne laisse pas indifférent le lecteur. J’ai noté le fait que tous les patients avaient besoin de réglé un dernier truc pour pouvoir mourir en paix.

Marie de Hennezel nous livre ceci : « L’intensité de l’élan affectif que manifeste certaines personnes à l’approches de la mort semble être proportionnelle au sentiment d’urgence éprouvée. La personne qui sent la mort venir n’a plus de temps à perdre » (p. 171.).

Au nom de la nécessaire « distance thérapeutique » qu’observent certains soignants, les patients demeurent privés de l’ultime témoignage de la bonté du genre humain. « J’ai besoin que l’on soit avec moi, comme si je n’étais pas malade. Que l’on rie, que l’on s’amuse avec moi, qu’on soit naturel ! Je sais que je suis sur terre pour un temps limité, pour apprendre quelque chose. Lorsque j’aurai appris ce que je suis venu apprendre, je partirai » (pp.195-196.). Ce sont là les propos d’un enfant atteint de leucémie et qui avait voulu rencontrer le Dalaï Lama un jour dans sa vie. C’est devant ce saint homme, dans une salle de mille cinq cents personnes, qu’un enfant condamné par la médecine livre la plus grande sagesse qui soit !

Si j’ai choisi ce thème parmi tant d’autres, et Dieu sait que ce livre en regorge, c’est pour remonter le temps et parler d’un livre qui m’a aussi instruit. En classe de 5ème, j’ai rencontré un livre chez mon homonyme à Dakar alors que j’y étais pour les grandes vacances. L’écoute comme thérapie en milieu social, tel est le titre. Le terme ‘’thérapie’’ m’était absolument inaccessible. Mais ceux de ‘’l’écoute’’ et ‘’milieu social’’ m’avaient aidé à me faire une idée sur ce concept médical. La preuve, un chapitre qui traite de l’inceste m’avait édifié sur la souffrance tue de certaines. L’histoire d’un couple de jeunes élèves de la classe de 1ère m’avait aussi frappé au cœur au point qu’en faisant la première, en deux ans, ma peur était de ne pas enceinter une fille à ce niveau de mon cursus scolaire. Sans être écoutés avec attention, les jeunes sont condamnés par une société très fière de sa morale ascétique en apparence. Ils sont tout bonnement condamnés sans être entendus sur les faits.

Pour tout compte fait, dans une société où les pressions sociales réelles ou imaginaires semblent l’emporter sur tout, l’écoute est une attitude devant être culturellement valorisée.

Dans un ultime sursaut humaniste empreint de sollicitude et moulé dans un appel des plus stimulants à vivre dans la proximité de la mort, l’auteure de La mort intime dont le sous-titre est Ceux qui vont mourir nous apprennent à vivre note avec justesse : « Je découvrais que l’espace-temps de la mort est, pour ceux qui veulent bien entrer dedans et voir au-delà de l’horreur, une occasion inoubliable d’humanité. Ecrire ce livre a été ma façon de partager cette découverte. » (p. 231.).

P.-S : Je dis un grand merci à mon collègue Sory Koté qui m’appela pour me filer ce bijou qui, aujourd’hui, j’ose le dire, est le livre que j’apporterais dans une île désertique.

Ibou Dramé SYLLA

Ce 27 août 2019

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article