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L'espace de Xadkor

PE(A) NSER LE SENEGAL

22 Mars 2017 , Rédigé par Ibou Dramé Sylla Publié dans #ANALYSES

Le Sénégal est malade. Malade de la démarche antidémocratique et du système politique glauque du Président Macky Sall. En 2012, le très sérieux hebdomadaire britannique The Economist dans son édition du 7 Avril, titre, avec justesse, « LUCKY MACKY ». « LUCKY MACKY », parce que les circonstances ont été largement favorables à « Gorou marième ». Mais, je parie qu’à l’état actuel des choses ce même hebdomadaire serait tenté, dans de probable dossier sur le Sénégal, de titrer « UNLUCKY SENGAL». « UNLUCKY SENEGAL», parce que rien ne bouge dans notre pays depuis l’accession de Macky au pouvoir. Que de machinations et procès politiques.  

Depuis plus de quatre ans le peuple Sénégalais n’arrive pas à sortir du désespoir et de la souffrance à cause de plusieurs éléments à la fois polluants et obstruant l’horizon : un président de la République qui cherche par tous les moyens à abattre ses adversaires politiques, un parti politique au pouvoir qui se déchire au lieu de préparer son leadership sur l’échiquier politique, des alliées de la majorité présidentielle engagés dans d’âpres disputes de positionnements ou d’accaparement de sinécures. 

Cet ensemble de problèmes se déroule sur fond d’urgences sociales relatives aux conditions de vie et de travail, au triptyque infernal chômage (particulièrement des jeunes), précarité et pauvreté et aux défis de taille. La question lancinante du chômage des jeunes est délaissée par le gouvernement. Le président de la République pense à éliminer les adversaires potentiels susceptibles de le vaincre aux élections législatives et présidentielles, pendant que des milliers de jeunes étudiants sortent des universités avec une licence ou un master pour élargir la liste du chômage.

Auparavant, l’on disait que les jeunes doivent faire des formations professionnelles pour une insertion facile dans le milieu de l’emploi. Mais, aujourd’hui, et c’est la triste réalité d’ailleurs, le Sénégal abonde de jeunes professionnels sans « boulot ». Au pays de la « teranga », pour reprendre Kourouma, « l’école ne vaut pas le pet de la grand-mère parce que, même avec la licence de l’université, on n’est pas fichu d’être infirmier ou instituteur », dans Allah n’est pas obligé.

Les questions sérieuses de développement sont rarement discutées puisque la stratégie feinte du gouvernement est de divertir les Sénégalais par des débats de caniveaux. PSE par ci, croissance par là. Bigre ! Le débat sur la croissance du président Sall est dénudé de sens puisque les 6,7% dont il se glorifie ne se reflètent pas dans la vie quotidienne des Sénégalais. Justement, l’émergence économique ne se mesure ni par le niveau d’un taux de croissance, ni par celui du PIB per capita. Il est à la fois un projet politique, économique et social pour répondre aux besoins fondamentaux de ses populations.

En effet, le développement d’un pays ne se mesure pas tout simplement par un référentiel de pourcentage en termes de croissance. Le remarquable livre du Professeur Moustapha Kassé, L’économie du Sénégal (Les 5 défis d’un demi-siècle de croissance atone), a apporté, de manière brillante d’ailleurs, des réponses sur ces questions qui polluent la corbeille du débat publique.

En réorientant et en posant les vrais termes du débat économique, le brillant professeur note, dans son livre cité ci-dessus, que « l’émergence est devenue un référent que l’on utilise de façon abusive sans en connaître ni la grammaire ni la substance. En conséquence, on l’idéalise. Il faut questionner la notion d’émergence, au-delà de la logique financière qui avait présidé à sa genèse. On s’aperçoit que, tout comme la mondialisation, elle est à la fois un concept flou et polysémique qui a pris son envol dans les médias, mais pas encore dans la littérature économique ».  

Au demeurant, le président Sall doit comprendre que ce qui est urgent pour les Sénégalais c’est la question du chômage, la pauvreté et l’émigration. Le chômage est devenu chronique et la pauvreté extrême. Conséquence : le phénomène de l’émigration est revenu avec force. Auparavant ce sont des citoyens qui n’avaient pas de diplômes qui allaient à l’aventure, mais maintenant c’est le contraire. Puisque ce sont des étudiants diplômés (Licencier, maîtrisards) qui prennent la méditerranées. Pourquoi ? Parce que « deuk bi dafa Macky ». Pourquoi ? Parce que des salaires misérables. Pourquoi ? Parce que les jeunes en ont marre des stages sans contrat.

Ces questions sont d’une importance telle qu’on ne peut parler d’émergence sans une politique sérieuse et ambitieuse pour les résoudre. Comment peut-on parler de développement sans une politique d’emploi sérieuse ? Comment peut-on parler du Sénégal émergent pendant que des milliers de jeunes perdent la vie dans la méditerranée? Comment peut-on dire aux jeunes de rester dans leurs pays pour travailler alors qu’il n’y a pas de lueurs d’espoir avec le Sénégal de Macky ? L’Etat aura toujours du mal à régler ce phénomène. Parce que, comme l’a dit l’admirable écrivaine sénégalaise Fatou Diome, « quelqu’un qui part et qui envisage l’éventualité d’un échec, celui-là peut trouver le péril absurde ; donc l’éviter. Mais celui qui part pour la survie, qui considère que la vie qu’il a à perdre ne vaut rien ; et bien celui-là sa force est inouïe. Parce qu’il n’a pas peur de la mort » Quand on demande aux jeunes de rester au Sénégal, il faut leur trouver les moyens de travailler pour donner un sens à leur vie et à celle de leur famille. Malheureusement, ce gouvernement n’a ni vision ni projet sérieux pour donner une chance de réussite aux jeunes que nous sommes. Le Sénégal émergent c’est aussi des cabales montées contre les opposants avec toute sorte d’intimidation et d’acharnement ?

In fine, Macky doit savoir que l’adversité politique et la critique objective sont la sève nourricière de la démocratie d’un pays. Pour que le Sénégal émerge, il faut que le président de la République lie la parole aux actes. Autrement dit, il doit être en phase avec les notions théorisées : la justice équitable, la transparence, la bonne gouvernance, la liberté… et relever les défis de tailles (chômage, précarité, salaire misérable, émigration…).

El Hadji Omar MASSALY (UCAD, Lettres Modernes)

masselhadjiomar@gmail.comMass

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D
Mon frère,respect pour ta plume! franchement j'ai tellement de mots a dire sur cette seconde alternance ou l’émergence signifie réduire tout potentiel adversaire a juste expression ,m’inquiète plus que jamais ce fut le cas .Mais vue la pertinence d'une telle analyse ,dont le fond et la forme sont exempts de débat contradictoire,je m'incline .Et bonne continuation!
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